Les contre vérités de l’étude de Portland

C’est devenu un marronnier. Le marronnier, en termes journalistiques, c’est un sujet clé en main qui se reproduit une fois par an et qui ne varie pas d’année en année. Avec la vape, on atteint une cadence régulière d’un par mois. La dernière, c’était l’étude japonaise. Je reviendrai demain sur le processus qui fait qu’une petite étude anecdotique se retrouve reprise dans le monde entier. Aujourd’hui, direction Portland où un groupe de scientifique nous explique que l’e-cig, c’est cinq à quinze fois plus dangereux qu’un clope normal. Comment en arrive-t-on à cette aberration.

On est exactement dans la même démarche qu’avec l’étude japonaise. Mais au moins l’étude japonaise avait le mérite de chiffrer pas mal de choses et on s’apercevait qu’un modèle de cigarette électronique sur plus d’une dizaine avait généré un composant cancérigène. Autrement dit, entre les lignes, on pouvait comprendre qu’un modèle d’e-cig était défectueux car ce n’était pas la norme avec les autres tests.

Là, on se retrouve devant un tableau et trois paragraphes qui nous disent qu’avec un haut voltage, on a une production de formaldéhyde.

Première chose. Des études, depuis que je m’intéresse à la vape, j’en ai lues. Ce sont des pavés, très longs, très complexes, chiffrés, documentés. Dire que ce truc est une étude est déjà un non-sens. Comparons ce qui est comparable. Valider ce petit document comme une étude revient à mettre sur le même plan Le radeau de la méduse et le dessin de Kevin représentant sa famille lors de ses vacances au Cap d’Agde. Le point commun, c’est qu’il y a la mer et que tout le monde est à poil. Mais on sent bien que Kevin ne sera jamais Géricault. Kevin, on peut lui dire : « Va plutôt jouer au football avec tes copains pendant que j’allume le barbecue avec tes dessins ». Aux auteurs de la simili étude, on a envie de dire : « Arrêtez de tenter de publier à tout prix n’importe quelle connerie pour sortir à tout prix de l’anonymat, de vous prendre pour des Nobel et continuez à picoler le samedi soir avec vos potes au bar tabac le balto, à l’endroit même où vous avez du écrire votre torchon. Parce que bon, des vies sont en jeu ».

Deuxième chose. Une fois de plus, on met en exergue le formaldéhyde. C’est une substance cancérigène, personne ne le nie. Mais même dans les produits cancérigènes, on a une graduation. On a des choses comme le monoxyde de carbone qui constitue le mal absolu. Le formaldéhyde, c’est un démonou de 14ème zone. Un produit chimique, qui n’est pas anodin mais qui ne correspond pas à la roulette russe qui consiste à fumer un clope sur de longues années où on a 50% d’y passer, comme le rappelle Marisol Touraine.

Mais il y a une troisième chose. En trois paragraphes, on n’a pas le temps de dire grand-chose. Même pas le protocole de test. On sait simplement que le haut voltage avec lequel a été repéré le formaldéhyde est de 5 volts. En dessous, pas de formaldéhyde. D’abord, le commun des vapoteurs vape avec des batteries qui n’atteignent pas les 5 volts. L’Aspire CF VV 1600 ? 4,8 volts, maxi. La Spinner V2 1650 ? 4,8, la même chose. Les batteries standard d’environ 1000 mAh tournent toutes aux alentours des 3,5 volts.  Un voltage élevé entraîne une usure prématurée des résistances et une impression de brûlé apparait. Les vapoteurs savent que lorsque le goût de cramé apparait, il faut ranger sa vape. Même les vendeurs les moins pédagogues l’expliquent. De toute façon, ce goût est tellement infect qu’il est impossible de vaper ce goût de cancer. Revenons sur les résistances : pas à un seul moment dans l’étude on ne nous donne quelques détails dessus. Bref, étant donné les résultats de cette étude, il est tout à fait probable que des résistances très faibles, peut-être même sub-ohmique aient été utilisées en balançant des voltages supérieurs à 5 volts, que les résistances aient cramé et que du formaldéhyde ait été repéré. Mais nous ne sommes absolument pas dans des conditions normales de vape. En gros, c’est la même chose à chaque fois qu’une étude négative sur la vape apparaisse. C’est totalement prévisible, de la même manière que lorsqu’on met le feu à du papier, il brule.

Je suis assez admiratif devant certains animaux qui tournent autour de leur gamelle avec méfiance face à un aliment inconnu. Ont-ils une sorte de sixième sens ou un labo de chimie intégré pour analyser chaque composant et savoir si quelque chose va les rendre malade ? Le vapoteur a cet instinct, dans une moindre mesure : quand sa résistance est cramée, il ne va pas insister. Je ne connais personne qui se soit dit : « bon, c’est totalement carbo mais j’ai trop besoin de nicotine, je continue ». Les gars de Portland sont totalement passés outre cette réalité. De la même façon qu’on ne va pas consommer le steak noir oublié dans l’huile de fondue ou sur le barbecue, on ne vape plus dès que le goût de cramé se fait sentir, c’est du bon sens.

Au final, dans certains médias, on nous explique via des titres accrocheurs que la vape est 5 fois, 15 fois plus dangereuse que la clope. En occultant totalement les effets du monoxyde de carbone et des goudrons qui sont eux, infiniment plus dangereux que le formaldéhyde. Enfin, ce coup-ci, les médias ne semblent pas s’être fait avoir, échaudés par les articles de l’étude japonaise. Ouf.

On a quand même eu un effet assez intéressant dans les médias. Citons-en deux. Le premier, c’est Le Figaro qui a repris l’étude avec un article intitulé « L’e-cigarette plus cancérigène que le tabac (étude) ». La page n’existe plus et a été remplacée par « Une nouvelle attaque contestée contre la cigarette électronique ». Sur Le Monde « Une nouvelle étude accable la cigarette électronique » est devenu « Une étude controversée met en cause la cigarette électronique ». Après l’étude japonaise, l’étude de Portland, on aimerait tout de même que les journalistes spécialisés santé dans les grands médias se penchent sur la validité de l’étude avant de faire un copier – coller sur les études les plus médiocres.

Cette étude ne sent pas simplement l’amateurisme, elle sent également le lobby du tabac à plein nez.

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